Toxicologie des animaux de compagnie
Les hydrocarbures
Présentation
Ils sont nombreux et variables en nature et en utilisation, il peut s’agir :
  • de produits issus de la distillation du pétrole : térébenthine, white-spirit, carburants... ,
  • d’hydrocarbures halogénés : solvants, trichloroéthylène... ,
  • de composés phénoliques : crésol, xylophène,
  • d’alcools : méthanol, éthanol, isopropanolol.
On distingue également les hydrocarbures peu volatils, à longues chaînes (goudrons, bitume, huile de vidange, fioul lourd ou léger), des hydrocarbures très volatils, à courtes chaînes (white-spirit, toluène, fioul domestique, gazole, essence).
Espèces concernées
Chiens, chats, bovins et animaux sauvages sont exposés aux intoxications par les hydrocarbures.
Circonstances de l'intoxication
Les causes sont très variables, en fonction des animaux touchés et de l’hydrocarbure concerné. On peut citer, pour exemples :
  • l’animal (le plus souvent chat) qui tombe dans une cuve à mazout,
  • l’animal couvert de peinture et nettoyé au white-spirit,
  • le chien de station-service en contact permanent avec les hydrocarbures,
  • les oiseaux sauvages mazoutés,
  • les bovins traités avec des hydrocarbures lors de teignes, dartres, parasites externes, verrues,
  • les bovins qui boivent de l’huile de vidange,
  • ...
Toxicité
Elle est très variable selon le composé. Elle dépend :
  • du pouvoir couvrant qui facilite le passage à travers la peau et les muqueuses,
  • de leur volatilité qui augmente les risques d’inhalation ; plus l’hydrocarbure est volatil, plus il est dangereux,
  • de leur voie de pénétration dans l’organisme ; plus le produit est épais, plus sa pénétration dans l’organisme est faible. Un produit volatil comme le white-spirit va très facilement pénétrer dans l’organisme. Les hydrocarbures sont très lipophiles.
    • voie cutanée : plus facile pour les produits couvrants et volatils
    • voie digestive : lors d’absorption directe du produit ou lors de léchage de produit sur le pelage ou le plumage. L’absorption est plus facile pour les hydrocarbures très volatils.
    • voie pulmonaire : il s’agit d’une voie de contamination importante et très rapide pour les composés volatils, permettant une pénétration très rapide dans l’organisme.
Symptomatologie
Les premiers signes peuvent apparaître immédiatement ou jusqu’à quelques heures après la mise en contact avec l’hydrocarbure.
Les organes atteint correspondent à la voie de pénétration (peau, tube digestif, poumon) et à des organes cibles : le système nerveux central car les hydrocarbures sont lipophiles, le foie qui métabolise les hydrocarbures - on note souvent une hépatomégalie durable suite à une forte contamination aux hydrocarbures -, les reins avec un risque d’insuffisance rénale suite à l’inflammation due au toxique et à la déshydratation de l’animal. On a alors une insuffisance rénale pré-rénale du fait de l’hypoperfusion rénale.
Les symptômes sont très variables, allant de cas bénins (taches de goudrons sur le poil) à des cas très graves avec les hydrocarbures très volatils. Dans ce cas, les intoxications sont longues et graves car tous les organes sont atteints. Les symptômes dépendent donc du type d’hydrocarbure (volatil ou non) et de la quantité reçue par l’animal.
Signes cutanés :
  • érythème dû aux produits irritants, suintement, prurit
  • douleur locale parfois très importante qui peut apparaître dans les minutes qui suivent l’application
  • brûlure chimique avec surinfection possible
  • crevasses, kératose, « peau cartonnée »
  • dépilation qui apparaît dans les 3 à 4 semaines qui suivent (chat tombé dans le mazout par exemple) fréquente mais réversible
Signes digestifs :
  • irritation digestive avec salivation, stomatite, vomissements et parfois diarrhée en cas d’ingestion massive
  • anorexie, dysphagie du fait de l’œsophagite possible avec risque de sténose secondaire
  • coliques
  • ulcères digestifs possibles
  • hépatomégalie sans gravité durant quelques mois souvent asymptomatique
Signes respiratoires :
  • irritation des voies aériennes avec altération du surfactant et inflammation des poumons
  • œdème pulmonaire aigu lésionnel qui apparaît en quelques heures à quelques jours
  • cyanose
  • râles bronchiques et bronchospasme
  • perte de capacité respiratoire par fibrose du parenchyme atteint
Signes rénaux :
  • insuffisance rénale pré-rénale suite à la déshydratation
  • néphrite en quelques jours du fait de l’élimination du toxique
Signes neurologiques :
  • agitation, parfois convulsions aggravées par l’hypoxie lors d’atteinte pulmonaire
  • ataxie
  • trémulations musculaires
  • prostration plus ou moins sévère
  • coma ou état de choc dû au passage des hydrocarbures dans le système nerveux central et à la douleur
Autres signes :
  • signes oculaires du fait de l’irritation avec épiphora, conjonctivite, kératite
  • odeur prononcée de l’urine, des fèces et de l’haleine en cas d’ingestion
  • hyperthermie d’origine centrale dans les 24 premières heures, d’origine infectieuse au-delà de 48 heures
Lésions
Elles sont non spécifiques. Ce sont essentiellement des lésions d’irritation, de surinfection et de l’érythème.
Diagnostic
Il est souvent étiologique et associé à une odeur marquée.
Les analyses en laboratoires spécialisés sont possibles mais elles sont onéreuse et ne présentent aucun intérêt thérapeutique. Lorsqu’elles sont mises en œuvre, c’est plutôt pour rechercher une « signature » permettant de remonter à l’origine d’une pollution.
Pronostic
Il doit être réservé car la mort peut être différée du fait des complications. L’intoxication est parfois longue et la mortalité est fréquente si des soins ne sont pas mis en œuvre ou si les hydrocarbures sont légers et volatils.
Si la peau n’est pas lavée rapidement, la nécrose cutanée survient dans les jours suivants.
Souvent chez le chat, l’anorexie persistante conduit à marasme physiologique. Le pronostic est favorable lorsque l’animal mange à nouveau.
Pour les oiseaux sauvages, le pronostic est très sombre puisqu’on estime que le taux de survie est inférieur à 10% en centre spécialisé.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • ne pas hésiter à tranquilliser ou anesthésier l’animal pour faire un bon nettoyage, sauf si l’animal ne peut le supporter (préférer le Valium® qui n’est pas dépresseur cardiaque ni respiratoire)
  • détersion avec du liquide vaisselle ou du savon de Marseille et de l’eau tiède. Rincer longuement (10 minutes). Ne pas hésiter à renouveler pour bien nettoyer les plis de peau, les oreilles, les espaces inter-digités ou la queue. Si le produit est très visqueux, tondre ou préférentiellement couper les poils aux ciseaux. Ne pas raser pour ne pas favoriser le passage transcutané et éviter une irritation supplémentaire.
  • pour les hydrocarbures épais de type goudron, utiliser un papier absorbant pour enlever le plus de produit possible puis couper les poils aux ciseaux, la tondeuse étant inefficace. Utiliser des corps gras, huile ou beurre, pour solubiliser le produit juste avant le lavage.
  • pour les oiseaux, il existe des savons spéciaux pour éviter d’abîmer le plumage. Celui-ci n’est alors plus hydrofuge et l’oiseau est plus sensible au froid.
  • port de la collerette pour éviter tout léchage
  • ne faire vomir que dans le cas d’ingestion massive d’hydrocarbure épais. Les émétiques sont prohibés avec les produits volatils.
Traitement symptomatique :
  • signes digestifs :
    • pansements digestifs et anti-vomitifs, anti-acides lors d’ulcères
    • en cas d’anorexie chez le chat, gaver l’animal à la seringue ou via une sonde naso-œsophagienne, orexigènes au besoin
  • signes neurologiques :
    • calmer les convulsions avec du diazépam (Valium®)
  • signes respiratoires :
    • corticoïdes à action rapide (méthylprednisolone, Solumedrol®) pour lutter contre l’œdème aigu du poumon et l’inflammation cutanée et digestive.
    • furosémide (Dimazon®, Furozénol®) et fluidothérapie pour lutter contre l’œdème aigu du poumon sans aggraver la déshydratation
    • analeptiques cardio-respiratoires et oxygénothérapie
  • signes rénaux :
    • fluidothérapie (Ringer Lactate®) en prévention de la déshydratation et des troubles rénaux. Vérifier l’ionogramme au besoin.
  • signes hépatiques :
    • hépato-protecteurs, dont l’efficacité reste à prouver
  • signes cutanés :
    • pommade sur les plaies et brûlures, du type Sulmidol®, Dermaflon® ou Flammazine®
  • antibiothérapie de couverture, type amoxicilline ou fluoroquinolone
Bibliographie
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