Présentation
Espèces concernées
Le chat est l’espèce la plus exposée du fait d’une très forte sensibilité physiologique de l’espèce.
Le chien est également susceptible de s’intoxiquer au paracétamol.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit la plupart du temps de l’automédication à des doses importantes et répétées pendant plusieurs jours par les propriétaires, surtout chez le chat. Le paracétamol est très bien toléré chez l’homme et l’animal, sauf le chat.
L’ingestion accidentelle est également possible, surtout par le chien ou le chiot.
Toxicité
Les DL50 sont données pour une administration orale :
- chez le chien : 200 mg/kg
- chez le chat : 50-100 mg/kg, parfois dès 40 mg/kg
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent en 1 à 4 heures post-ingestion, ou plus généralement en 6 à 24 heures.
Signes chez le chat :
- premiers signes :
- prostration, dépression précoce entre 3 et 24 heures
- anorexie, parfois vomissements, hypersalivation
- œdèmes (notamment de la face, parfois des conjonctives, des membres) 12 à 48 heures après ingestion
- méthémoglobinisation avec cyanose, surtout de la muqueuse buccale, tachycardie, tachypnée ou dyspnée, muqueuses grises, sang brun chocolat
- hypothermie le plus souvent sévère (< 35°C), parfois hyperthermie
- signes plus tardifs, 2 à 7 jours après l’ingestion :
- atteinte hépatique : ictère pré-hépatique (24 à 48 heures après administration) du fait de l’hémolyse intravasculaire (augmentation de la bilirubinémie et des aminotransférases : AsAT et AlAT)
- signes urinaires : hémoglobinurie, glucosurie, protéinurie, rarement insuffisance rénale
- anémie régénérative accompagnant l’ictère non systémique
- ataxie, convulsions, œdème pulmonaire, coma de mauvais pronostic
La symptomatologie dépend du pourcentage de méthémoglobinisation :
Tableau 3 : Signes cliniques observés en fonction du taux de méthémoglobinisation
Taux de méthémoglobine |
Symptômes |
< 30% |
Aucun |
30 à 50% |
prostration, tachypnée, tachycardie |
50 à 70% |
symptômes sévères |
> 70% |
Mort |
Signes chez le chien :
- vomissements fréquents
- œdème de la face rare
- dépression
- méthémoglobinisation peu marquée
- ictère : nécrose hépatique centrolobulaire avec augmentation des transaminases
- anémie et hémoglobinurie
- hyperthermie et convulsions lors d’intoxication massive chez les jeunes chiens
Examens complémentaires :
- sang brun chocolat, pathognomonique de la méthémoglobinisation
- frottis sanguin : présence de corps de Heinz (inclusions réfringentes à la périphérie des hématies). Chez le chat, cela devient pathologique si plus de 10% des hématies présentent des corps de Heinz.
- anémie inconstante, régénérative avec anisocytose
- hémoglobinurie avec cylindres urinaires d’hémoglobine
- en cas de nécrose hépatique, augmentation des transaminases, notamment l’Alanine AminoTransférase (AlAT)
Lésions
Chez le chat on retrouve essentiellement une congestion hémorragique du foie tandis que chez le chien il y a congestion hémorragique du foie avec nécrose centrolobulaire diffuse.
Diagnostic
Il n’est pas facile si on ne sait pas que l’animal a ingéré du paracétamol.
L’intoxication est à suspecter face à un chat cyanosé présentant des signes de méthémoglobinisation, on peut alors réaliser un dosage plasmatique.
Pronostic
Il dépend de la dose ingérée, du taux de méthémoglobinisation et de la rapidité de la mise en place du traitement après l’ingestion.
L’évolution défavorable est généralement rapide, allant vers un coma puis la mort dans les 24 à 48 heures. Si l’animal survit les trois premiers jours, le pronostic est plus favorable.
Les paramètres biochimiques mettent plus de trois semaines pour reprendre des valeurs normales chez le chat, deux semaines chez le chien ; ce ne sont donc pas des marqueurs fiables de l’évolution.
Traitement
Traitement éliminatoire :
- faire vomir et administrer du charbon végétal activé en cas d’ingestion récente
- fluidothérapie (Ringer Lactate®), pour favoriser l’élimination et lutter contre l’acidose, sans diurétiques
Traitement symptomatique :
- réchauffer l’animal au besoin
- hépatoprotecteurs : le seul efficace est la N-acétylcystéine
- transfusion lors d’anémie sévère
- oxygénothérapie en cas de cyanose
Traitement spécifique de la méthémoglobinisation :
Il est à mettre en place le plus tôt possible après l’ingestion. Ce traitement est inutile s’il est instauré plus de 72 heures après l’ingestion. Il faut tout de même le tenter chez le chat, chez qui le métabolisme du paracétamol est très lent :
- vitamine C : 30-40 mg/kg PO ou IV toutes les 6 à 8 heures pendant 24 heures. A utiliser même en cas de doute, car cela ne représente aucun risque. L’efficacité n’est cependant pas prouvée.
- N-acétylcystéine pour les carnivores domestiques :
- utiliser du Mucomyst®, ampoule pour instillation trachéo-bronchique
- dose d’attaque : 140 mg/kg soit une ampoule pour 7 kg
- dose d’entretien : 70 mg/kg soit une ampoule pour 14 kg toutes les 6 à 8 heures pendant 24 heures
- c’est un produit très amer, on peut donc l’administrer avec du sucre ou directement par sondage naso-œsophagien
- c’est un véritable protecteur hépatique, à faire dans tous les cas, qui réduit la demi-vie du paracétamol et l’intensité de la méthémoglobinisation
Bibliographie
Fitzgerald, KT, Bronstein, AC et Flood, AA. 2006. """Over-the-counter"" drug toxicities in companion animals". Clin Tech Small Anim Pract. 2006, Vol. 21, 4, pp. 2115-26.
Hjelle, JJ et Grauer, GF. 1986. Acetaminophen-induced toxicosis in dogs and cats. J Am Vet Med Assoc. 1986, Vol. 188, 7, pp. 742-6.
Jones, RD, Baynes, RE et Nimitz, CT. 1992. Nonsteroidal antiinflammatory drug toxicosis in dogs and cats : 240 cases (1989-1990). J Am Vet Med Assoc. 1992, Vol. 201, 3, pp. 475-7.
Kore, AM. 1990. Toxicology of nonsteroidal antiinflammatory drugs. Vet Clin North Am Small Anim Pract. 1990, Vol. 201, 3, pp. 419-30.
MacNaughton, SM. 2003. Acetaminophen toxicosis in a Dalmatian. Can Vet J. 2003, Vol. 44, 2, pp. 142-4.
St Omer, VV et McKnight, ED. 1980. Acetylcysteine for treatment of acetaminophen toxicosis in the cat. J Am Vet Med Assoc. 1980, Vol. 176, 9, pp. 911-3.
Villar, D, Buck, WB et Gonzalez, JM. 1998. Ibuprofen, aspirin and acetaminophen toxicosis and treatment in dogs and cats. Vet Hum Toxicol. 1998, Vol. 40, 3, pp. 156-62.