Toxicologie des animaux de compagnie
Le paraquat
Présentation
Le paraquat est un herbicide non sélectif de la famille des dipyridiliums, comme le diquat, dont l’utilisation est interdite depuis 2007, mais les stocks persistent.
Ces préparations sont colorées et contiennent une substance répulsive odorante et une substance émétique. Il est hautement toxique, bien que très peu rémanent (moins de 48 heures) dans l’environnement du fait d’une forte absorption par le sol et d’une photodégradation importante.
Le paraquat est utilisé dans les cultures (luzerne, vignes, vergers ; pommes de terre en tant que défanant) car il détruit les mauvaises herbes sans laisser de résidus.
L’accès à la zone traitée doit être interdit aux animaux domestiques et au bétail pendant un délai d’au moins 24 heures après épandage.
Espèces concernées
Toutes les espèces domestiques (bovins, chiens, chats, porcins, ovins) et quelques espèces sauvages (lièvre) sont sujettes à l’intoxication par le paraquat.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit dans la plupart des cas de l’ingestion accidentelle de solutions concentrées, de produits transvasés ou de solutions pour l’épandage.
Il peut également y avoir ingestion lors de passage sur des cultures récemment.
Enfin, l’utilisation dans des appâts criminels est anecdotique, le produit étant peu appétent.
Toxicité
Le paraquat a une structure de type ammonium quaternaire, il a donc un effet caustique et détergent. C’est également un peroxydant à l’origine de la formation de radicaux libres et de la destruction des cellules épithéliales alvéolaires.
Les DL50 varient selon les espèces :
  • chien : 25-50 mg/kg
  • chat : 35 mg/kg
  • bovins : 35-50 mg/kg
  • rat : 100-150 mg/kg
  • lapin : 110 mg/kg ; lièvre : 35 mg/kg
Mécanisme de toxicité
Le paraquat est à l’origine de la formation de radicaux libres et de nécrose tissulaire due à une peroxydation des lipides par des superoxydes.
De plus le paraquat a une affinité particulière pour les poumons du fait de l’existence d’un système concentrateur de diamine-polyamine dans les cellules épithéliales des alvéoles pulmonaires.
Pharmacocinétique
L’absorption est rapide mais faible (5%) par voie digestive. La distribution tissulaire est inégale, avec une concentration dans l’organe cible : le poumon (ou le rein chez les lagomorphes).
L’élimination se fait sans modification de la forme par voie urinaire, essentiellement, ou biliaire jusqu’à deux jours après ingestion. L’élimination est donc ralentie en cas d’insuffisance rénale.
Symptomatologie
La phase initiale dure entre 24 et 72 heures après ingestion :
Signes digestifs précoces :
  • ils apparaissent en quelques minutes à quelques heures après l’ingestion du fait de l’irritation et de la nécrose des tissus au contact du paraquat
  • hypersalivation, glossite, stomatite, ulcérations buccales
  • vomissements parfois hémorragiques
  • diarrhée peu fréquente avec méléna
  • douleur abdominale intense
Autres signes précoces :
  • hypotension avec atteinte pré-rénale possible
  • prostration, anorexie
  • mort possible lors de forte ingestion
Signes pulmonaires précoces (entre J2 et J7 post-ingestion) :
  • pharyngite, trachéite
  • tachypnée, dyspnée
  • œdème pulmonaire et interstitiel
  • détresse respiratoire en 1 à 3 jours
  • cyanose
  • râles bronchiques et pulmonaires
  • mortalité importante
Signes pulmonaires tardifs (entre J8 et J21, surtout lors d’exposition chronique) :
  • si l’animal survit, au bout de quelques jours (8 à 30 après ingestion), il y a apparition progressive de signes respiratoires décrite chez l’homme, le chien, le chat et le porc :
    • détresse respiratoire progressive due à une fibrose pulmonaire extensive et irréversible par prolifération fibroblastique ; difficulté inspiratoire et expiratoire
    • mort probable par asphyxie, parfois arrêt avec incapacité pulmonaire partielle
    • une opacification du champ pulmonaire est parfois visible à la radiographie en début d’évolution, il convient donc de faire plusieurs clichés à quelques jours d’intervalle pour suivre cette progression
Signes rénaux :
  • cette atteinte est modérée ou sévère. Il s’agit d’insuffisance rénale d’origine pré-rénale, du fait de la déshydratation, ou rénale, lors de nécrose tubulaire proximale. Elle apparaît dans les 24 heures avec oligo-anurie. Chez les lagomorphes, c’est l’atteinte principale, après la phase digestive initiale.
Lésions
  • œdème pulmonaire
  • collapsus alvéolaire
  • érosions et ulcères bucco-pharyngés
  • gastro-entérite
  • dégénérescence rénale avec nécrose tubulaire rénale
  • fibrose pulmonaire dans les cas avancés
Diagnostic
Il est étiologique et clinique.
La recherche de paraquat peut se faire par dosage dans l’urine, le contenu gastrique, le poumon ou le rein.
Pronostic
Il est réservé à sombre.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • il est à mettre en place le plus rapidement possible pour améliorer le pronostic
  • faire vomir : malgré l’effet caustique, car le paraquat est mortel
  • charbon végétal activé ou préférer les argiles (smectite : Smectivet®, ou kaolin : Kaopectate®) et la paraffine
Traitement symptomatique :
  • troubles digestifs et rénaux :
    • pansements digestifs, antispasmodique et antiémétiques
    • fluidothérapie pour rétablir la volémie et limiter les troubles rénaux
    • diurétique, de type furosémide, en cas d’œdème pulmonaire mais à utiliser avec précaution lors d’hypotension
    • corticoïdes à action rapide lors d’état de choc
  • troubles pulmonaires :
    • corticoïdes à action courte pendant 3 semaines minimum pour diminuer l’inflammation et donc la fibrose
    • furosémide en cas d’œdème pulmonaire
    • vitamines C et E anti-oxydantes
    • N-acétylcystéine en cas de troubles respiratoires, l’efficacité n’est pas prouvée ; non indiqué lors de gastrite
    • oxygénothérapie controversée car elle accélère la formation de radicaux libres, bien qu’elle permette d’améliorer temporairement le confort de l’animal.
Analyses
La recherche de paraquat peut se faire dans les premiers jours de l’intoxication, ensuite le produit est éliminé. Elle se fait sur des échantillons d’urine, de sérum (dans les 48 heures), de poumon ou de rein chez les lagomorphes.
Bibliographie
Burk, RF, Lawrence, RA et Lane, JM. 1980. Liver necrosis and lipid peroxidation in the rat as the result of paraquat and diquat administration. Effect of selenium deficiency. J Clin Invest. 1980, Vol. 65, 5, pp. 1024-31.
Hughes, RD, Millburn, P et Williams, RT. 1973. Biliary excretion of some diquaternary ammonium cations in the rat, guinea pig and rabbit. Biochem J. 1973, Vol. 136, 4, pp. 979-84.
Ito, M, Hori, Y, Fujisawa, M, Oda, A, Katsuyama, S, Hirose, Y et Yoshioka, T. 2005. Rapid analysis method for paraquat and diquat in the serum using ion-pair high-performance liquid chromatography. Biol Pharm Bull. 2005, Vol. 28, 4, pp. 725-8.
Johnson, RP et Huxtable, CR. 1976. Paraquat poisoning in a dog and cat. Vet Rec. 1976, Vol. 98, 10, pp. 189-91.
Longstaffe, JA, Humphreys, DJ, Hayward, AHS et Stodulski, JBJ. 1981. Paraquat poisoning in dogs and cats - differences between accidental and malicious poisoning. J Small Anim Pract. 1981, Vol. 22, 3, pp. 153-6.
Lorgue, G, Lechenet, J et Rivière, A. 1996. Clinical veterinary toxicology. Oxford : Blackwell Science, 1996. p.210.
Plumlee, KH. 2004. Clinical Veterinary Toxicology. Saint-Louis : Mosby, 2004. p.477.