Toxicologie des animaux de compagnie
Le lopéramide
Présentation
C’est un analogue structural des opiacées à action anti-diarrhéique et antispasmodique.
C’est un médicament humain anti-diarrhéique souvent prescrit même chez l’enfant. Il existe plusieurs spécialités dont la plus connue est sûrement Imodium® existant en gélule de 2 mg ou en sirop buvable pour enfant à 0,2 mg/mL.
Chez le chien, la posologie recommandée est de 0,04-0,2 mg/kg per os, trois fois par jour.
Espèces concernées
Le chien, et parfois le chat, sont les espèces les plus souvent intoxiquées au lopéramide.
Il est à noter une sensibilité particulière du Colley et des races apparentées ; une hypothèse a été émise concernant un passage plus facile de la barrière hémato-méningée : cette sensibilité serait due à un défaut de la glycoprotéine P (allèle muté du gène MDR1), un composant important de la barrière hémato-méningée. Cette mutation est également responsable d’une sensibilité à la milbémycine, à la moxidectine et à l’ivermectine, entre autres.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit la plupart du temps d’automédication par les propriétaires avec un surdosage fréquent, ou de consommation accidentelle par l’animal.
Toxicité
Chez le Colley, des doses supérieures à 0,1 mg/kg peuvent avoir des effets toxiques.
Les doses toxiques sont estimées à 0,2 mg/kg pour les Colleys et races apparentées et à 0,4 mg/kg pour les autres races.
La DL50 est de 40 mg/kg.
Pharmacocinétique
Le lopéramide est un opiacé à activité antispasmodique et anti-sécrétoire. A la dose thérapeutique, il n’y a pas de passage de la barrière hémato-méningée. L’absorption est moyenne au niveau du tube digestif, la molécule est ensuite métabolisée dans le foie.
La demi-vie est de 6 à 14 heures.
A la suite d’un cycle entéro-hépatique, l’élimination est fécale à 90%.
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent en quelques heures (30 minutes au minimum, le plus souvent 6 à 12 heures). L’évolution se fait sur 4 à 24 heures :
Signes digestifs :
  • vomissements
  • hypersalivation
  • constipation
  • douleur abdominale
Signes neurologiques :
  • mydriase ou myosis aréactif
  • incoordination et ataxie, le plus souvent du train postérieur
  • prostration
  • marche en cercle
Autres signes :
  • bradycardie
  • bradypnée
  • hypothermie
  • vocalises
  • dans les cas graves : diarrhée hémorragique, prostration sévère voire coma et collapsus
Pronostic
La guérison est sans séquelle le plus souvent. Les cas mortels sont très rares.
Traitement
Il est à mettre en place lors d’ingestion d’une dose :
  • supérieure à 0,2 mg/kg chez le Colley et races apparentées
  • supérieure à 0,4 mg/kg chez les autres races
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir dans les deux heures suivant l’ingestion
  • charbon végétal 2 g/kg PO avec de l’huile de paraffine car le lopéramide favorise la constipation
Traitement symptomatique :
  • fluidothérapie
  • surveillance pendant les 6 premières heures au moins
Traitement spécifique :
  • lors d’intoxication aux opiacés (myosis, somnolence, hypersalivation, parésie du train postérieur), on utilise la naloxone (Nalone® ou Narcan®), un antagoniste des opiacés dont la durée d’efficacité est courte (environ 1 heure) d’où la nécessité de renouveler l’administration. La naloxone s’emploie à la posologie de 0,01-0,04 mg/kg en IV.
  • la naloxone est un produit réservé à l’usage hospitalier ou à la trousse d’urgence du médecin, le vétérinaire peut donc s’en procurer.
Bibliographie
Hugnet, C, Bentjen, SA et Mealey, KL. 2004. Frequency of the mutant MDR1 allele associated with multidrug sensitivity in a sample of collies in France. J Vet Pharmacol Therap. 2004, Vol. 27, 4, pp. 227-9.
Mealey, KL, Munyard, KA et Bentjen, SA. 2005. Frequency of the mutant allele associated with multidrug sensitivity in a sample of herding breed dogs living in Australia. Vet Parasitol. 2005, Vol. 131, 3-4, pp. 193-6.