Présentation
C’est un antiparasitaire (avermectine) à large spectre pour les parasites externes et internes : nématodes, acariens, varron, ...
Il existe de nombreuses spécialités médicamenteuses, pour différentes espèces :
- pour les bovins : Ivomec® bovin solution injectable ou pour on, Ivomec D® avec clorsulon (lutte contre les grandes douves adultes) non toxique, Ivomec® SR bolus (dispositif intraluminal)
- pour les ovins : Ivomec® ovin solution injectable, solution orale ; Oromec® ovin solution orale
- pour les carnivores domestiques : Cardomec® en traitement de la dirofilariose, peu utilisé et peu concentré
- pour les équidés : vermifuge Eqvalan®, Furexel®
- pour les porcins : Ivomec® solution injectable, utilisé contre les poux, la gale, les strongles et les ascaris
Espèces concernées
Les carnivores domestiques, les Nouveaux Animaux de Compagnie, le cheval et les petits ruminants peuvent être intoxiqués à l’ivermectine. C’est rarement le cas pour le chat, le cheval et les bovins.
Chez le chien, il existe des prédispositions raciales chez le Colley (80% des cas d’intoxication chez le chien), le Shetland et les races proches de type Border Collie, Bearded Collie et les chiens croisés issus de Colley, ainsi que le Bobtail. Cette sensibilité est due à un défaut de la glycoprotéine P (allèle muté du gène MDR1), un composant important de la barrière hémato-méningée. Cette mutation est également responsable d’une sensibilité à la milbémycine, à la moxidectine et au
lopéramide, entre autres. Notons qu’il existe pour cette anomalie un test de dépistage par PCR.
Les animaux à sang froid, comme la tortue, sont très sensibles.
Circonstances de l'intoxication
Il peut s’agir de l’utilisation hors AMM, surtout de l’Ivomec®, principalement chez les carnivores domestiques, certains NAC ou chez le cheval. Le vétérinaire prescripteur est responsable dans ce cas. Le propriétaire doit être averti des risques lors de la prescription. Chez les races à risque, le premier traitement peut être bien supporté et le deuxième mortel. Chez le cheval, l’utilisation de l’ivermectine est possible par voie orale sous la forme de pâte ; mais lors d’utilisation intraveineuse de l’Ivomec® bovin, la mort subite post-injection est possible. Chez les rongeurs et les lagomorphes, l’utilisation est fréquente, mais le surdosage est facile.
L’intoxication peut également être due à un surdosage, possible uniquement chez les petites espèces car la marge de sécurité est importante chez les grandes espèces.
La molécule ayant une demi-vie longue, l’accumulation est possible lors de traitement sur plusieurs jours consécutifs (lors de démodécie chez le chien par exemple).
L’ivermectine peut également être responsable de lyse parasitaire, d’où un état de choc si le parasitisme était important. Dans le cas du varron, si la lyse a lieu au niveau de la colonne vertébrale, il y a un risque de paralysie. Le traitement du varron est effectué pendant des périodes autorisées pour les bovins (du 15 octobre au 30 novembre), pour éviter ces accidents. Notons que dans ce cas il ne s’agit pas à proprement parler d’une intoxication à l’ivermectine.
Enfin il peut s’agir de l’ingestion accidentelle par des chiens de spécialités pour grands animaux, comme du vermifuge équin en pâte.
Toxicité
La marge de sécurité est importante pour les grandes espèces, avec un index de 10 pour les bovins, et de 7 à 8 pour les équidés.
Par contre cette marge de sécurité est faible chez le chien, et surtout pour les races prédisposées pour lesquelles il y a une possibilité de passage de la barrière hémato-méningée.
L’utilisation percutanée chez les rongeurs est généralement bien tolérée.
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent en quelques minutes à quelques heures selon la voie d’administration et la dose.
En moyenne ils apparaissent en 2 à 3 jours chez le chien, mais la mort est possible en quelques heures lors de surdosage chez le Colley.
Plus l’apparition des troubles est rapide, plus le pronostic est sombre.
Signes neurologiques « en hypo » avec paralysie ascendante :
- paralysie postérieure puis paralysie antérieure
- paraplégie avec vigilanceconservée
- paralysie plus ou moins complète avec vigilance conservée
- défaut de déglutition avec vigilance conservée
- cécité
- bradycardie, hypoventilation
- coma qui peut durer jusqu’à 3 semaines, mais la mort est possible pendant toute cette période
- complications liées au décubitus prolongé
- mort par paralysie des centres respiratoires
Signes neurologiques « en hyper » chez le chat :
- rares
- convulsions, ataxie, myosis
- hyperthermie
- pronostic sombre
Lors de traitements répétés, les premiers symptômes observés sont parfois une mydriase et de la cécité.
La paralysie peut se stopper à n’importe quel stade et l’animal peut récupérer. Cette récupération est spontanée, descendante, mais très lente : supérieure à 1 mois car la demi-vie de l’ivermectine est de plus de 3 semaines.
Par contre la mort peut être brutale chez les races prédisposées.
Pronostic
Il est très réservé chez le chien : la récupération est rare et très longue (3 à 8 semaines) mais sans séquelles. Souvent l’euthanasie est demandée avant la guérison. Plus l’apparition des symptômes est lente, meilleures sont les chances de survie.
Chez les bovins, lors de lyse parasitaire, les lésions sont irréversibles.
Traitement
Traitement éliminatoire :
- charbon végétal activé et paraffine ou sorbitol pendant plusieurs jours du fait du cycle entéro-hépatique
Traitement symptomatique et de soutien :
- fluidothérapie
- alimentation forcée
- changement de décubitus pour éviter la formation d’escarres
Autres avermectines :
La moxidectine (Equest®, Cydectine®) et la doramectine (Dectomax®) sont des molécules plus récentes présentant des marges de sécurité
a priori plus élevée que celles de l’ivermectine, notamment chez le chien.
L’abamectine est utilisée comme pesticide à des concentrations faibles ou comme insecticide sous forme de piège anti-cafard peu concentré. Elle présente peu de risques sauf chez un petit animal ou chez le chiot Colley.
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