Toxicologie des animaux de compagnie
Les caustiques
Présentation
Les caustiques majeurs sont les acides forts, les bases fortes (plus dangereuses que les acides), les ammoniums quaternaires et les oxydants et réducteurs puissants tels que l’eau de Javel concentrée.
Les caustiques mineurs sont les acides et les bases faibles (détartrants pour cafetière), les oxydants et réducteurs faibles ou dilués (eau oxygénée).
Notons qu’un caustique très dilué est considéré comme un détergent pour le traitement (comme l’eau de javel diluée).
Espèces concernées
Les chiens, chats et Nouveaux Animaux de Compagnie sont sujets aux intoxications par les caustiques.
Circonstances de l'intoxication
L’exposition peut être digestive par ingestion directe du produit, par léchage du pelage souillé ou par jeu avec un flacon de caustique.
Elle peut également être cutanée par aspersion accidentelle ou oculaire par projection.
Toxicité
Du fait de la très grande diversité des produits appartenant à cette catégorie, il n’est pas envisageable de donner des doses toxiques.
Dans la quasi-totalité des cas, il y a nécrose au point de contact avec la peau ou les muqueuses.
Symptomatologie
L’apparition des premiers signes est instantanée :
Signes digestifs :
  • hypersalivation et stomatite
  • vomissements et douleurs abdominales importantes
  • œsophagite
  • gastrite avec ulcères digestifs surtout au niveau de l’antre pylorique : l’ingestion de caustique entraîne la fermeture réflexe du pylore et le toxique stagne au niveau de l’antre. Parfois l’ulcère peut être perforant et l’hémorragie digestive en résultant est gravissime.
  • diarrhée rare à cause de la fermeture réflexe du pylore
Signes ophtalmologiques :
  • épiphora
  • douleur et blépharospasme
  • conjonctivite et ulcère cornéen (mis en évidence avec un test à la fluorescéine)
Signes cutanés :
  • d’autant plus importants que le temps de contact est long
  • érythème et douleur importante
  • nécrose avec ulcères cutanés
Signes généraux :
  • douleur ; cependant l’absence de douleur n’est pas signe de bénignité : une atteinte profonde avec destruction des terminaisons nerveuses est de mauvais pronostic
  • état de choc avec bradycardie
  • déshydratation et hémorragie digestive lors d’ulcère perforant
Lésions
On retrouve des lésions ulcératives sur la peau et les muqueuses.
Par la suite il y a un risque de sténose digestive et apparition d’un méga-œsophage. Les lésions définitives ne sont cependant pas immédiates, et aucun avis définitif ne doit être donné avant quelques jours.
Pronostic
Il dépend des conditions d’exposition : il est bon à court terme pour une simple exposition cutanée ; dans le cas d’une ingestion, les intoxications sont toujours graves, une mort brutale est possible, en particulier chez l’animal jeune. Les lésions définitives ne sont appréciables qu’après plusieurs jours. Le pronostic est donc à réserver. Une légère amélioration peut être constatée 3 à 4 jours après l’exposition, mais les complications digestives (sténose ou méga-œsophage) n’apparaissent que 2 à 3 semaines plus tard.
Traitement
Contre-indications formelles :
  • ne pas faire vomir, ce qui créerait une seconde exposition de l’œsophage et de la cavité buccale au caustique
  • ne pas chercher à neutraliser (un acide par une base, un oxydant par un réducteur, et réciproquement)
Traitement symptomatique :
  • dilution légère : dans la demi-heure suivant l’ingestion, administrer environ une cuillère à soupe d’eau pour 10 kg de poids si le produit est concentré ; en effet il est préférable d’être confronté à un ulcère étendu mais peu profond plutôt qu’à un petit ulcère perforant
  • lavage de la cavité buccale
  • décontamination cutanée (à l’eau) et oculaire (sérum physiologique) pendant 10 minutes
  • pansements digestifs sauf en cas d’ulcère perforant pour éviter un passage dans la cavité abdominale
  • anti-acides (ranitidine, Azantac®, ) qui diminuent les sécrétions gastriques et favorisent la cicatrisation des ulcères digestifs
  • antibiothérapie de couverture (spectre large)
  • traitement de l’état de choc : fluidothérapie, adrénaline, atropine, corticoïdes à action rapide (Solumédrol®)
Traitements controversés :
  • ne pas donner de charbon végétal activé, qui est irritant et qui adsorbe mal les caustiques. De plus il gêne l’endoscopie dans les heures qui suivent.
  • la dilution doit être légère (10 mL pour 10 kg) et précoce pour limiter l’extension des ulcères ; mais en cas de trop forte dilution, il y a un risque majoré de vomissements qu’on essaie d’éviter.
  • les corticoïdes à action rapide (nécessaires en cas de choc) peuvent être utilisés pendant 3 à 4 jours : même s’ils ralentissent la cicatrisation des ulcères, ils limitent la fibrose et donc la sténose digestive. De plus ils diminuent l’inflammation donc l’animal a un meilleur état général et il se réalimente plus vite.

Notons que si l’animal présente des vomissements plus ou moins chroniques ou du méléna suite à l’ingestion de caustiques, une endoscopie est conseillée. Lors d’ingestion de pastilles de Javel, celles-ci transitent très lentement ; il y a donc dépôt et adhérence du toxique le long de l’œsophage. On peut alors faire vomir mais il faut ensuite administrer de la paraffine si plusieurs pastilles ont été ingérées.
Bibliographie
Humphreys, DJ. 1988. Veterinary toxicology. [éd.] WD Saunders. 3rd edition. London : Baillière Tindall, 1988. p.356.
Plumlee, KH. 2004. Clinical Veterinary Toxicology. Saint-Louis : Mosby, 2004. p.477.