Toxicologie des animaux de compagnie
Le laurier-rose
Présentation

Le laurier-rose (Nelium oleander) est un arbuste de la famille des Apocynacées largement répandu sur le pourtour méditerranéen et actuellement commercialisé partout en France pour son caractère ornemental.

Image de la plante
Espèces concernées
Les carnivores domestiques ne sont que peu concernés par l’intoxication au laurier-rose, les feuilles étant amères. Les ruminants et les chevaux font bien plus souvent l’objet d’intoxication par le laurier-rose.
Circonstances de l'intoxication
Elle fait suite au mâchonnement ou à l’ingestion d’une quelconque partir de la plante. L’action de la sécheresse ou du gel peuvent favoriser l’ingestion des feuilles qui, fraîches, sont amères.
Toxicité
La dose toxique est de 0,05% du poids de l’animal en feuilles de la plante, ce qui revient à 3 grammes de feuilles sèches par kilogramme.
Mécanisme de toxicité
Toute partie de la plante contient des saponines irritantes et des hétérosides cardiotoniques, principalement représentés par l’oléandroside (ou oléandrine). Cette dernière inhibe les pompes Na+-K+ ATPase dépendantes. L’inhibition de ces pompes entraine une hausse du taux intracellulaire de sodium, hausse qui va stimuler le système d’échange transmembranaire Na+-Ca2+, ce qui va aboutir à une hausse intracellulaire de calcium. On va également avoir une diminution du taux cellulaire en potassium, du fait de l’inhibition des pompes Na+-K+ ATPase dépendantes. Ces modifications vont agir sur le potentiel d’action, on va alors avoir un effet inotrope positif et une hyperexcitabilité musculaire. L’oléandroside va également avoir une action sur le système nerveux autonome, en déprimant l’automatisme du nœud sinusal, du myocarde auriculaire et du nœud auriculo-ventricualire. Elle va également stimuler le centre bulbaire du vomissement.
Pharmacocinétique
Les molécules toxiques contenues dans la plante vont être absorbées au niveau intestinal. Une fraction importante (> 92%) sera alors fixée par les protéines plasmatiques et métabolisée au niveau hépatique. Elles subiront alors un cycle entéro-hépatique avant d’être éliminées par voie urinaire et fécale.
Symptomatologie
Signes digestifs (ils sont les premiers à apparaitre) :
  • vomissements
  • diarrhée
  • douleurs abdominales
  • hypersalivation
  • anorexie
Signes neurologiques :
  • convulsions tono-cloniques
  • opisthotonos
  • ataxie
  • trémulations musculaires
  • mydriase
  • décubitus
  • prostration
Signes cardiaques tardifs :
  • troubles de l’excitation :
    • bradycardie sinusale marquée (< 60-70 battements par minute), à l’origine d’une hypotension dans 90% des cas
    • extrasystoles ventriculaires
    • parfois tachycardie sinusale ou ventriculaire (> 160 battements par minute)
    • fibrillation auriculaire
  • troubles de la conduction :
    • blocs atrio-ventriculaires (BAV1, BAV2)
    • blocs sino-auriculaires (augmentation du tonus vagal)
La mort peut survenir de quelques minutes à quelques heures par arrêt cardiaque et paralysie des muscles respiratoires.
Lésions
Elles ne sont pas spécifiques, on retrouvera des lésions de gastro-entérite et une congestion généralisée.
Diagnostic
Le diagnostic de certitude sera posé après l’identification de la plante dans l’environnement de l’animal ou dans l’ingestat. Le mâchonnement de la plante par l’animal peut être directement rapporté par le propriétaire. Sans cela il faudra se baser sur l’apparition de signes cliniques décrits ci-dessus lié à une rapidité d’apparition de ces signes.
Pronostic
Le pronostic est systématiquement réservé. La rétrocession des signes cliniques est toujours très lente (jusqu’à un mois dans la littérature).
Traitement
Un traitement par immunothérapie spécifique existe mais est actuellement encore difficilement réalisable au vu des difficultés à obtenir les immunoglobulines et de leur coût, nous nous concentrerons donc essentiellement sur le traitement éliminatoire et symptomatique.
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir l’animal si l’ingestion est récente
  • administrer du charbon végétal activé en cas d’ingestion plus ancienne
Traitement symptomatique :
  • correction des troubles hydro-électriques
  • correction des troubles cardiaques : ne pas administrer de bêta-bloquants :
    • bradycardie et blocs auriculoventraiculaires (BAV) :
      • glycopyrrolate (Robinul V®) 0,01 mg/kg toutes les 6 heures chez le chat et le chien. Moins d’effets secondaires que l’atropine et durée d’action supérieure.
      • atropine IV : 0,05-0,1 mg/kg chez le chien ; 0,02-0,04 mg/kg chez le chat. A renouveler au besoin selon le degré d’atropinisation.
    • tachycardie :
      • lidocaïne (Xylocard®) IV lente : 2-4 mg/kg chez le chien ; 0,5 mg/kg chez le chat. Contre-indiquée en cas de blocs. A renouveler toutes les 20 à 60 minutes.
    • arythmie cardiaque :
      • mexilétine (Mexitil®) 3 mg/kg/j PO en 2 prises, indiquée pour les troubles du rythme ventriculaire
      • aprindine (Fiboran®) 3-5 mg/kg/j PO en 2 prises, indiquée pour les troubles du rythme ventriculaire. La cholestryamine (Questran®) utilisée en médecine humaine lors d’intoxication aux digitaliques est un produit cher et sans effet intéressant ici.
  • calmer les convulsions avec du diazépam (Valium®) 0,5-2 mg/kg IV ou IR
  • administrer des antiémétiques si les vomissements persistent et deviennent improductifs (métoclopramide ou dompéridone).
Analyses
Si le diagnostic phyto-histologique n’est pas réalisable, une analyse chromatographique ou un test radio immunologique sont possibles mais nécessitent une recherche orientée et donc une suspicion d’intoxication par cette plante. De plus leur coût est prohibitif.
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