Toxicologie des animaux de compagnie
L'if
Présentation

L’If (Taxus baccata) est une plante gymnosperme qui appartient à la famille des Taxacées, connue pour ses espèces qui contiennent toutes une substance toxique, la taxine. Les ifs sont de petits arbustes à la croissance lente facilement reconnaissables avec leurs feuilles aplaties en forme d’aiguilles mesurant entre 2 et 3 centimètres de long. La couleur vert foncé des feuilles tranche avec le rouge vif des fruits, les arilles, qui contiennent les graines.

Image de la plante
Espèces concernées
L’intoxication des animaux de compagnie par l’if est rare, les chevaux et ruminants sont plus souvent concernés.
Circonstances de l'intoxication
L’intoxication survient suite au mâchonnement d’une quelconque partie de la plante. Seule la pulpe des arilles n’est pas toxique, cependant les arilles contiennent les graines qui le sont.
Toxicité
La taxine (un alcaloïde) est le composé toxique retrouvé dans l’if. On distingue la taxine A et la taxine B qui sont toutes les deux cardiotoxiques. La dose létale minimale chez le chien est de 2,3 gramme de feuille par kilo de poids vif (11,5 mg/kg de taxine).
Mécanisme de toxicité
Les 2 taxines (A et B) sont cardiotoxiques, elles augmentent le temps de conduction atrio-ventriculaire. De plus elles perturbent la conduction cardiaque au niveau du myocarde en se fixant sur les chaines ioniques (calcium et sodium). La taxine B réduit également la contractilité cardiaque et le taux de dépolarisation cardiaque.
Pharmacocinétique
Une fois ingérée, les toxines sont rapidement absorbées et distribuées et métabolisées par le foie.
Symptomatologie
Lors d’ingestion importante la mort survient dans des délais brefs à la suite de dysfonctionnements cardiaques associés à une vasodilatation et une hypotension. Dans des cas moins graves, on observera les signes suivants :
Signes cardiaques :
  • bradycardie
  • fibrillation ventriculaire
  • dysrythmies cardiaques non-spécifiques
Signes respiratoires :
  • dyspnée
Signes généraux :
  • hyperthermie
Signes neurologiques et musculaires :
  • agitation
  • comportement agressif
  • ataxie
  • tremblements
  • trémulations musculaires
  • crises convulsives
  • puis
  • somnolence
  • dépression
Signes digestifs :
  • vomissements
Lésions
Les analyses histologiques ne révèlent aucune lésion spécifique compte tenu de la mort rapide des animaux. On retrouvera essentiellement une gastro-entérite, une congestion pulmonaire, de l’œdème pulmonaire et des hémorragies secondaires à l’atteinte cardiaque.
Diagnostic
Il fait souvent suite à l’observation directe de l’ingestion ou par observation des feuilles dans les vomissures de l’animal.
Pronostic
Il est très sombre, peu d’animaux de compagnie survivent après ingestion d’if.
Traitement
Aucun antidote spécifique n’existe, le traitement sera essentiellement éliminatoire et symptomatique.
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir l’animal si l’ingestion est récente
  • pratiquer un lavage gastrique et donner du charbon végétal activé en cas d’ingestion plus ancienne
  • placer l’animal sous fluidothérapie (faire toutefois attention à ne pas provoquer d’hypertension)
Traitement symptomatique :
  • le suivi ECG de l’animal est à effectuer sur plusieurs jours
  • en cas de bradycardie :
    • Atropine 0,02 à 0,04 mg/kg en IV, IM ou SC
    • Glycopyrrolate 0,01 à 0,02 mg/kg SC, IM ou IV
    • En cas de bradycardie sévère ne répondant pas au traitement médical, il est préconisé d’utiliser temporairement un pacemaker
  • l’utilisation d’antiarrythmiques peut être nécessaire en cas de tachycardie persistante ne répondant pas à la fluidothérapie, de dysrythmie ventriculaire ou si on a des signes de faible perfusion tissulaire (hypotension, pouls faible, tachycardie, muqueuses pâles, temps de recoloration capillaire augmenté) :
    • Lidocaïne :
      • chez le chien : 2 à 8 mg/kg en IV à effet (en suivant l’ECG)
      • chez le chat : 0,25 à 0,5 mg/kg en IV lente (en suivant l’ECG)
    • Procainamide :
      • chez le chien : 2 mg/kg en IV sur 3 à 5 minutes, suivi d’une perfusion réglée de 25 à 50 ug/kg/mn
      • chez le chat : 1 à 2 mg/kg en IV suivi d’une perfusion réglée de 10 à 20 ug/kg/mn
  • en cas de crises convulsives :
    • Diazepam 0,25 à 0,5 mg/kg en IV
    • Phenobarbital 2 à 5 mg/kg en IV
  • utiliser des antivomitifs en cas de vomissements persistants :
    • Maropitant 1 mg/kg en SC
  • utiliser des protecteurs gastriques :
    • inhibiteurs de la pompe à protons :
      • Famotidine 0,5 mg/kg PO, SC, IM ou IV 1 à 2 fois par jour
      • Ranitidine 1 à 2 mg.kg PO, SC IM ou IV 2 à 3 fois par jour
      • Cimetidine 5 à 10 mg/kg PO, SC, IM ou IV 4 fois par jour
    • Omeprazole 0,5 à 1 mg/kg 1 fois par jour
    • Sucralfate 0,25 à 1 g PO 3 fois par jour (à prolonger sur 5 à 7 jours en cas d’ulcère)
Bibliographie
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