Toxicologie des animaux de compagnie
La digitale pourpre
Présentation

La digitale pourpre (Digitalis purpurea), ou grande digitale, est une plante bisannuelle (ou vivace en cas de biotope favorable) de la famille des Scrofulariacées. Digitale provient du latin « digitus » qui signifie doigt, en rapport avec la forme de la fleur en doigt de gant. La digitale possède ainsi de nombreux autres noms en rapport avec cette propriété : gants de Notre-Dame, gantelée, gantière, gandio, …

La plante, largement répandue dans toute la France, mesure de 40 centimètres à 2 mètres de haut et fleurit de juin à septembre. Elle pousse spontanément et est également utilisée en plante d’ornement. Ses fleurs sont pourpre clair, parfois blanches tachetées de pourpre, longues de 4 à 5 centimètres et pendantes le long de la tige.

Image de la plante
Espèces concernées
Le chien est principalement concerné par l’intoxication à la digitale pourpre.
Circonstances de l'intoxication
Elle fait suite au mâchonnement et/ou à l’ingestion d’une quelconque partie de la plante (concerne les feuilles la plupart du temps).
Toxicité
Chez le chien, la DL est de 5 à 20 grammes de feuilles fraîches.
Mécanisme de toxicité
La plante contient de nombreux hétérosides cardiotoniques : digoxine, digitoxine, digitonine, digitaléine, digitoxoside et gitoxoside ; ainsi que des saponosides : digitonoside, gitonoside et digonoside (digonine). Les hétérosides cardiotoniques vont inhiber le fonctionnement de la pompe NaK-ATPase. Le blocage de cette pompe va entrainer une augmentation du sodium intracellulaire et une diminution du potassium intracellulaire. On va également avoir une augmentation de la concentration intracellulaire de calcium, se dernier se fixant sur les protéines contractiles, d’où un effet inotrope positif et une hyperexcitabilité myocardique. Ils vont également intervenir par l’intermédiaire du système nerveux autonome (de par leurs propriétés parasympathomimétiques), ils dépriment alors l’automatisme du nœud sinusal, du myocarde auriculaire et du nœud auriculo-ventriculaire. Ils stimulent également le centre bulbaire du vomissement et irritent les muqueuses digestives, en action conjointe avec les saponosides.
Symptomatologie
Signes digestifs :
  • vomissements
  • diarrhée
  • douleur abdominale
  • hypersalivation
Signes neurologiques :
  • convulsions tono-cloniques
  • opisthotonos
  • ataxie
  • trémulations musculaires
  • mydriase
  • décubitus
Signes cardiaques tardifs :
  • troubles de l’excitation :
    • bradycardie sinusale marquée (< 60-70 battements par minute), à l’origine d’une hypotension dans 90% des cas
    • extrasystoles ventriculaires
    • parfois tachycardie sinusale ou ventriculaire (> 160 battements par minute)
    • fibrillation auriculaire
  • troubles de la conduction :
    • blocs atrio-ventriculaires (BAV1, BAV2)
    • blocs sino-auriculaires (augmentation du tonus vagal)
Lésions
Elles ne sont pas spécifiques, on retrouvera des lésions de gastro-entérite et une congestion généralisée. On retrouvera également une contraction ventriculaire associée à une dilatation auriculaire, parfois accompagnée de nécrose.
Diagnostic
On pourra se baser sur les altérations cardiaques et la lecture de l’électrocardiogramme pour avoir une suspicion qui amènera au questionnement du propriétaire sur la possibilité de contact avec le toxique.
Pronostic
Le pronostic est systématiquement réservé. L’évolution se fait sur plusieurs jours (avec accumulation du poison dans l’organisme), la convalescence est généralement longue et la mort peut intervenir plusieurs jours après l’intoxication.
Traitement
Un traitement par immunothérapie spécifique existe mais est actuellement encore difficilement réalisable au vu des difficultés à obtenir les immunoglobulines et de leur coût, nous nous concentrerons donc essentiellement sur le traitement éliminatoire et symptomatique.
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir l’animal si l’ingestion est récente
  • administrer du charbon végétal activé en cas d’ingestion plus ancienne
Traitement symptomatique :
  • correction des troubles hydro-électriques
  • correction des troubles cardiaques : ne pas administrer de bêta-bloquants :
    • bradycardie et blocs auriculoventraiculaires (BAV) : glycopyrrolate (Robinul V®) 0,01 mg/kg toutes les 6 heures chez le chat et le chien. Moins d’effets secondaires que l’atropine et durée d’action supérieure. atropine IV : 0,05-0,1 mg/kg chez le chien ; 0,02-0,04 mg/kg chez le chat. A renouveler au besoin.
    • tachycardie : lidocaïne (Xylocard®) IV lente : 2-4 mg/kg chez le chien ; 0,5 mg/kg chez le chat. Contre-indiquée en cas de blocs. A renouveler toutes les 20 à 60 minutes.
    • arythmie cardiaque : mexilétine (Mexitil®) 3 mg/kg/j PO en 2 prises, indiquée pour les troubles du rythme ventriculaire aprindine (Fiboran®) 3-5 mg/kg/j PO en 2 prises, indiquée pour les troubles du rythme ventriculaire. La cholestryamine (Questran®) utilisée en médecine humaine lors d’intoxication aux digitaliques est un produit cher et sans effet intéressant ici.
  • calmer les convulsions avec du diazépam (Valium®) 0,5-2 mg/kg IV ou IR
Bibliographie
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