Toxicologie des animaux de compagnie
Les dinitrophénols
Présentation
Les dinitrophénols sont des herbicides sélectifs colorés en orange, d’où leur dénomination d’ « huiles jaunes ». Leur usage est interdit depuis avril 2000, mais les stocks persistent.
Ils ont également été utilisés comme insecticides, acaricides, antifongiques. On peut citer, au sein de cette famille de composés, le dinitri-ortho-crésol (DNOC), le dinoterbe, le dinosèbe ou le pentachlorophénol qui est un xyloprotecteur.
Espèces concernées
Chiens, chats, bovins, chevaux et animaux sauvages sont susceptibles d’être intoxiqués par les dinitrophénols.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit dans la majorité des cas de l’ingestion accidentelle lors d’erreur de stockage, lors de léchage après passage dans les parcelles traitées.
L’intoxication peut également résulter d’un passage transcutané, on trouve alors un produit jaune, huileux, sur les poils ou la gueule.
Enfin, les animaux peuvent ingérer des appâts disposés par malveillance, souvent dans des œufs destinés à éliminer les nuisibles.
Toxicité
Les dinitrophénols sont des découplants des phosphorylations oxydatives, d’où une transformation de l’énergie uniquement sous forme de chaleur, à l’origine d’une forte hyperthermie.
Les DL50 sont variables selon les circonstances de l’intoxication ; elles sont données pour le chien :
  • per os : 25-50 mg/kg (20-40 mg/kg chez le rat, la souris et le cobaye)
  • percutanée : 200 mg/kg (10-40 mg/kg chez la souris et le lapin)
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent en quelques minutes à quelques heures après le contact :
  • vomissements
  • hyperthermie majeure, supérieure à 40°C (entre 41 et 42°C)
  • polypnée thermique (associée à une sudation chez le cheval), dyspnée
  • déshydratation
  • polydipsie intense avec oligurie ou anurie
  • prostration
  • parfois signes neurologiques (myosis, faiblesse musculaire, convulsions, ataxie) puis coma
  • coloration jaune de la peau et des muqueuses en contact avec le produit
  • pseudo-ictère lié à la coloration du produit
  • chez les ruminants : formation de nitrites dans le rumen et méthémoglobinisation d’où polypnée, muqueuses gris sale, tachycardie, sang marron
  • chez les équidés : formation de nitrites dans le caecum
Lésions
Elles sont peu spécifiques :
  • pseudo-ictère due à la coloration du produit
  • rigidité cadavérique précoce
  • congestion généralisée
  • dégénérescence hépatique et rénale
Chez le rat, l’administration chronique de dinosèbe (2-sec-butyl-4,6-dinitrophenol, DNBP) est responsable d’une diminution de la fertilité des mâles, d’atrophie testiculaire, et d’anomalies de la morphologie des spermatozoïdes. L’utilisation du dinosèbe a d’ailleurs été interdite en 1986 par la US Environmental Protection Agency à cause de ses effets sur la reproduction chez l’homme et de son pouvoir carcinogène.
Pronostic
Il est réservé. Il est à réévaluer après 24 à 48 heures de traitement.
Traitement
Il est uniquement symptomatique et éliminatoire, il n’existe pas d’antidote, avec quelques spécificités selon les espèces :
Chez les carnivores :
  • vomitifs et lavage gastrique si la prise en charge est précoce, car le passage de la barrière digestive est rapide
  • charbon végétal activé pour limiter l’absorption
  • lavage avec un détergent doux si le produit est présent sur le poil
  • refroidir l’animal : bains et/ou douche d’eau tiède, réserves de froid placées dans la cage, lavement à l’eau froide. Notons que les anti-pyrétiques sont inefficaces.
  • calmer l’animal : diazépam (Valium®), éviter les barbituriques
  • fluidothérapie pour réhydrater l’animal et favoriser l’élimination rénale
  • alimenter l’animal par voie orale pour maintenir la balance énergétique
  • oxygénothérapie et analeptiques cardio-respiratoires
Le traitement doit être prolongé pendant 24 à 48 heures.
Chez les ruminants :
  • refroidir l’animal en le douchant à l’eau froide, le mettre dans un endroit frais
  • lutter contre la méthémoglobinisation :
    • vitamine C 30 mg/kg toutes les 8 heures
    • bleu de méthylène en solution à 2%, 10 mg/kg toutes les 6 à 8 heures
Chez les équidés :
  • refroidir l’animal en le douchant à l’eau froide, le mettre dans un endroit frais
  • lutter contre la méthémoglobinisation :
    • vitamine C 30 mg/kg toutes les 8 heures
Analyses
La recherche de dinitrophénols peut se faire sur le contenu stomacal ou ruminal, ou encore dans les urines ou le plasma.
Les prélèvements doivent être immédiatement congelés car le toxique se dégrade rapidement.
On considère qu’une concentration plasmatique en DNOC supérieure à 50 mg/L est diagnostique d’une intoxication. 
Bibliographie
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