Toxicologie des animaux de compagnie
L'amitraze
Présentation
Il s’agit d’une substance α2-agoniste de la famille des formamidines comme la xylazine, la détomidine ou la médétomidine.
On la retrouve sous la forme de collier antiparasitaire (collier à 9% d’amitraze sur structure de PVC, type Préventic® ou Bioacani-tique®), de solution pour usage externe contre les tiques, le demodex et le varroa (Taktic®, Ectodex®, Apivar®, Apistan®) ou encore de pesticide pour les vergers grâce à ses actions insecticide et acaricide sur les œufs, les larves et les adultes (solution à 200 g/L, telle Mattac® ou Tudy®).
Espèces concernées
Le chien est l’espèce la plus souvent intoxiquée par l’amitraze, le chat dans une moindre mesure ; mais il est à noter une grande sensibilité du chat, du cheval et des rongeurs.
Circonstances de l'intoxication
Il peut s’agir de l’ingestion accidentelle de tout ou partie du collier. Lors d’un bain antiparasitaire mal conduit, il peut résulter un surdosage (bain trop concentré, exposition trop longue, eau trop chaude) ou une ingestion (chien qui boit le produit). Plus rarement on peut être confronté à l’ingestion d’une préparation phytosanitaire.
Toxicité
Elle est principalement due à l’action α2-agoniste de l’amitraze.
La DL50 estimée chez le chien est élevée (100 mg/kg) avec une dose toxique à 20 mg/kg.
Pharmacocinétique
L’absorption est rapide et bonne par voie orale ou percutanée. Le pic plasmatique est atteint entre 90 minutes et 5 heures. Les premiers symptômes sont décelables environ 24 heures après exposition. Ce délai peut être très bref dans le cas d’un bain très chaud et dans ce cas, il y a également un risque pour le propriétaire qui peut avoir inhalé l’amitraze.
Les troubles persistent pendant 3 à 4 jours.
Symptomatologie
Les symptômes apparaissent en quelques heures à une journée, parfois plus tard, trois à quatre jours, dans le cas d’un passage cutané.
Dépression du système nerveux central (effet semblable à une pré-anesthésie) :
  • somnolence, abattement, prostration sans hallucination
  • ataxie et parésie
  • anorexie (secondaire)
  • faiblesse musculaire
  • coma (évolution ultime)
Dépression du système nerveux végétatif :
  • bradycardie importante (20 à 30 battements par minute), arythmie sinusale, extrasystoles ventriculaires, blocs atrioventriculaires possibles
  • hypothermie discrète (hyperthermie également possible, mais modérée, < 40°C)
  • constipation et météorisme : arrêt du transit, donc le collier stagne et l’intoxication perdure
  • coliques liées à la météorisation, très dangereuses chez le cheval
  • mydriase
  • hypotension ou hypertension
  • bradypnée voir apnée prolongée
Autres signes décrits :
  • hyperglycémie (2 à 2,5 g/L) avec glycosurie (pas d’hyperglycémie avec la xylazine) et augmentation de l’insulinémie
  • polyuro-polydipsie
  • vomissements et diarrhée
  • légère salivation
  • tremblements
  • bonne tolérance localement, mais prurit et érythème
Lésions
On retrouvera essentiellement les lésions de météorisation.
Diagnostic
Il se base avant tout sur l’anamnèse, mais il faut également penser à une intoxication à l’amitraze face à un syndrome « en hypo » avec somnolence, constipation, hyperglycémie et forte bradycardie. Un dosage plasmatique ou urinaire de l’amitraze est alors possible.
Pronostic
Il est généralement favorable et sans séquelles à 4 ou 5 jours, si le transit et le rythme cardiaque sont normaux, mais à réserver au cours des premières 24 heures.
La mortalité est exceptionnelle sauf chez les animaux jeunes ou de petit format du fait de la dépression cardio-respiratoire ou du météorisme.
La mort est également possible chez les animaux ayant ingéré un collier et n’ayant reçu aucun traitement, elle est alors différée de trois à jours, post-ingestion.
Traitement
Traitement éliminatoire et symptomatique :
  • vomitifs jusqu’à 24 à 48 heures post-ingestion car le collier reste souvent dans l’estomac
  • charbon végétal activé à associer obligatoirement avec du sorbitol ou de la paraffine car la motilité intestinale est déjà très réduite et le charbon constipe.
  • fluidothérapie si l’animal est en choc (les diurétiques sont peu utiles)
  • en cas de passage par voie cutanée, décontamination cutanée à l’eau tiède savonneuse
Traitement spécifique :
Il doit être conduit pendant deux semaines.
  • atipamézole (Antisédan®) 50 µg/kg en IM chez le chien. L’action est très rapide (un quart d’heure), très efficace mais de courte durée et donc à renouveler toutes les 3 à 4 heures. L’atipamézole est utilisable même en cas de simple suspicion car il n’y a pas d’effets secondaires à cette posologie.
  • yohimbine (Yohimbine Houdé®) 0,1 mg/kg/j PO pendant 5 jours en une ou deux prises pour continuer le traitement. La yohimbine n’existe que sous forme de comprimés de 2 mg, peu adaptés aux chiens de petite taille. De plus il y a un risque d’absorption lente car le transit est ralenti du fait de l’amitraze. Il est conseillé de réaliser une injection d’atipamézole puis de prendre le relais avec de la yohimbine per os quand le transit intestinal est rétabli.
Contre-indications :
  • ne pas perfuser de solutés glucosés du fait de l’hyperglycémie résultant de l’intoxication.
  • ne pas injecter de xylazine (Rompun®) ou de médétomidine (Domitor®) pour éviter de renforcer l’action α2-agoniste ; donc ne pas faire vomir un animal intoxiqué à l’amitraze avec de la xylazine.
  • ne pas administrer d’insuline car il existe un risque de coma hypoglycémique après le traitement, l’hyperglycémie disparaissant spontanément dès que le toxique est éliminé.
  • ne pas utiliser d’atropine même lors de bradycardie (inefficace dans ce cas) car le transit est déjà fortement ralenti par l’amitraze.
  • ne pas intervenir chirurgicalement : l’atipamézole relance le transit, stoppant donc le météorisme. Si la boucle du collier pose problème, on relance le transit avec l’Antisédan® et on peut ensuite faire vomir l’animal. Si c’est insuffisant, la chirurgie peut être réalisée quatre ou cinq jours plus tard.
Analyses
L’amitraze peut être dosée dans un échantillon de plasma ou d’urine par une technique de chromatographie haute performance sur couche mince (HPTLC).
Bibliographie
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