Toxicologie des animaux de compagnie
Les chenilles processionnaires
Présentation
La processionnaire du pin (Thaumetopea pityocampa) est un insecte de l'ordre des lépidoptères, de la famille des Notodontidae, sous-famille des Thaumetopoeinae. La processionnaire du chêne (Thaumetopea processionea) appartient au même groupe.
On identifie cinq stades larvaires : entre janvier et juin, on assiste à la procession des nymphes qui quittent le cocon ou nid d’hiver pour s’enterrer dans le sol. Les chenilles mesurent 4 à 5 cm et possèdent des soies ornementales et des poils urticants, à partir du troisième stade larvaire, à rôle défensif.
Espèces concernées
Le chien est l’animal domestique le plus souvent victime des intoxications par les chenilles processionnaires, mais on rencontre parfois des herbivores ou des porcs.
Circonstances de l'intoxication
Ces intoxications ont le plus souvent lieu au printemps (de février à juin), dans de nombreuses régions de France.
Il s’agit en règle générale d’un contact direct avec les chenilles avec une ingestion possible, surtout pour les chiots qui jouent avec. Le contact peut également se faire avec des objets souillés par les chenilles, comme les exuvies, cocons ou les lieux de passage. Les poils urticants peuvent également être disséminés par le vent. Enfin les porcs fouisseurs peuvent trouver les chenilles enterrées.
Notons que les exuvies restent dangereuses plusieurs années. Seule la destruction par le feu est efficace, mais elle demande des précautions lors de la manipulation des cocons.
Toxicité
Elle est due à une protéine histaminolibératrice : la thaumetopoeïne contenue dans les poils urticants qui servent d’aiguilles inoculatrices.
Les doses toxiques ne sont actuellement pas connues.
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent quelques minutes à quelques heures après le contact avec les soies urticantes :
Signes locaux :
Ils sont variables selon la voie d’inoculation :
  • lors d’ingestion :
    • ptyalisme
    • stomatite, glossite (pharyngite) évoluant sur 2 à 3 jours, œdème de la langue évoluant vers la nécrose, ulcères linguaux et buccaux. Perte possible de morceaux de langue en 6 à 10 jours. Lors d’ingestion, les lésions de l’œsophage et de l’estomac sont sévères.
    • anorexie, vomissements, dysphagie, difficulté d’abreuvement avec risque d’insuffisance rénale
  • lors d’inhalation :
    • œdème de la truffe
    • rhinite
    • toux, bronchite, dyspnée
  • lors de projection oculaire
    • conjonctivite
    • kératite nodulaire
    • risque de cécité
  • lors de contact cutané :
    • œdème de la face
    • érythème, éruptions cutanées
    • prurit intense
Signes généraux (rares) :
  • hémolyse
  • hémoglobinurie
  • coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD)
  • choc anaphylactique
  • prostration
Pronostic
Il est à moduler en fonction de la nécrose de la langue et/ou du pharynx et de la rapidité de mise en place du traitement (corticoïdes IV).
Il est à réserver sur 48 heures voire plus si la langue est très cyanosée, donc avec un risque de nécrose plus important.
Si la moitié de la langue tombe, l’animal est condamné puisqu’il ne peut plus boire ni manger seul.
Traitement
Il est conseillé de porter des gants pour examiner et manipuler l’animal.
Traitement local :
  • de la peau :
    • retrait des poils urticants avec une gaze humide ou une bande adhésive de type Elastoplaste®
    • application de compresses alcalines (toxine acide)
    • pommade anesthésique (Tronothane®, Xylocaïne®, Emla®)
    • corticoïdes localement
  • de l’œil :
    • rinçage abondant au sérum physiologique
    • test à la fluorescéine et traitement de la kératite
    • retrait des poils plantés dans la cornée après tranquillisation et anesthésie locale
  • de la cavité buccale :
    • retrait des poils urticants avec une gaze humide ou une bande adhésive de type Elastoplaste®
    • gel anesthésiant type Xylocaïne® visqueuse
    • antibiotiques à distribution bucco-pharyngée type spiramycine
    • limiter la nécrose : Solumédrol® 40 mg et 1 mL de Xylocaïne® en intra-linguale ou héparine in situ (Heparine Choay®, 1 mL à 5000 UI dilué dans 5 mL de NaCl à 0,9%) en quelques points dans la langue avec une seringue à insuline. L’amélioration de la vascularisation ainsi obtenue limite la progression de la nécrose.
Traitement symptomatique :
  • corticoïdes à action immédiate : méthylprednisolone (Solumedrol®) 30 mg/kg IV, puis relais par voie orale pour diminuer le prurit et les lésions locales.
  • antibiothérapie de couverture : spiramycine (Stomorgyl®) en cas d’atteinte buccale
  • fluidothérapie et nutrition entérale en cas de dysphagie ou d’anorexie
  • assistance respiratoire en cas d’œdème de la glotte
  • aliment mixé et facile à ingérer en cas de lésions buccales
Bibliographie
Bruchim, Y, Ranen, E, Saragusty, J et Aroch, I. 2005. Severe tongue necrosis associated with pine processionary moth (Thaumetopoea wilkinsoni) ingestion in three dogs. Toxicon. 2005, Vol. 45, 4, pp. 443-7.
Jans, HW et Franssen, AE. 2008. [The urticating hairs of the oak processionary caterpillar (Thaumetopoea processionea L.), a possible problem for animals?] Dutch.. Tijdschr Diergeneeskd. 2008, Vol. 133, 10, pp. 424-9.