Toxicologie des animaux de compagnie
Les antidépresseurs tricycliques (TCA)
Présentation
Ce sont des molécules très largement utilisées en médecine humaine ; certaines spécialités humaines sont également utilisées en traitement de certains troubles du comportement en médecine vétérinaire.
On peut noter, parmi ces molécules, amitriptylline (Elavil®, Laroxyl®), amoxapine (Defanyl®), clomipramine (Anafranil® ou Clomicalm®, spécialité vétérinaire), desipramine (Pertofran®), doxepine (Quitaxon®), imipramine (Tofranil®) ou trimipramine (Surmontil®).
Espèces concernées
Il s’agit essentiellement du chien et du chat.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit la plupart du temps de l’ingestion accidentelle des médicaments du propriétaire.
Toxicité
De manière générale, une dose supérieure à 15 mg/kg est considérée comme très dangereuse, tandis que la dose létale orale chez le chien et le chat est estimée à 17 mg/kg.
Mécanisme de toxicité
Il y a inhibition des canaux à sodium du myocarde au niveau du ventricule, ce qui entraîne un ralentissement de la dépolarisation du ventricule et augmentation de l’intervalle entre les complexes qRs. Il y a alors tachycardie ventriculaire ou fibrillation à la lecture de l’électrocardiogramme. On note également des effets anticholinergiques avec hyperactivité, diminution de la motilité intestinale, diminution des sécrétions et convulsions.
Pharmacocinétique
L’absorption est bonne au niveau du tube digestif. Elle est prolongée du fait des effets anticholinergiques de ces médicaments. Le pic plasmatique est atteint entre 2 et 8 heures après l’absorption, parfois 12 heures.
Ce sont des produits lipophiles, ayant donc une distribution préférentielle dans le cerveau, le cœur, les poumons et le foie.
Il y a également possibilité de passage à travers le placenta ou dans le lait, ce qui représente un risque pour les petits.
La distribution est assurée grâce à de fortes liaisons aux protéines plasmatiques.
Il y a métabolisme hépatique avec un possible entéro-hépatique pour les métabolites. La demi-vie de ces molécules est de 9 à 84 heures.
L’élimination est principalement urinaire, mais peut parfois se faire en partie par voie biliaire.
Symptomatologie
Les symptômes sont d’emblée gravissimes.
Premiers signes :
  • vomissements
  • léthargie
  • hyperexcitabilité, agressivité, désorientation
  • hyperthermie lors de convulsions ; hypothermie lors de prostration profonde
  • trémulations ou convulsions
Signes tardifs :
  • prostration parfois sévère
  • ataxie
  • hypotension
  • arythmies cardiaques
  • signes cardiaques : tachycardie ou bradycardie, augmentation de la durée du complexe qRs, tachycardie ventriculaire ou fibrillation
Lésions
Aucune lésion n’est rapportée.
Pronostic
Il est à réserver systématiquement.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir en cas d’ingestion très récente, sinon l’animal peut rapidement présenter des convulsions
  • donner du charbon avec un laxatif car les antidépresseurs tricycliques diminuent la motilité intestinale. Il faut l’administrer plusieurs fois pour enrayer le cycle entéro-hépatique (toutes les 3 heures jusqu’à disparition des symptômes).
Traitement symptomatique :
  • en cas d’acidose ou de troubles cardiaques, utiliser du bicarbonate (2-3 mEq/kg IUV). Il faut maintenir le pH au-dessus de 7,5 pour éviter les troubles cardiaques.
  • diazépam (Valium®) chez les animaux hyperactifs, par voie inttraveineuse et jusqu’à effet, puis phénobarbital en cas de convulsions
  • fluidothérapie, surveillance de la température
Analyses
La recherche en laboratoire peut se faire par chromatographie en phase gazeuse et spectrophotométrie de masse sur des échantillons de plasma, d’urine ou plus rarement de contenu gastrique. Dans le plasma, une concentration en amitriptylline supérieure à 0,3 mg/L est considérée comme diagnostique d’une intoxication.
Bibliographie
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