Toxicologie des animaux de compagnie
La strychnine
Présentation
La strychnine est un poison convulsivant très toxique à action médullaire.
Elle était utilisée contre les renards jusqu’en 1982, dans le cadre de la prophylaxie de la rage. Entre 1982 et juillet 2000, son usage était réservé à la destruction des taupes. Depuis, son utilisation phytosanitaire est interdite en France mais des stocks existent toujours et la strychnine est très stable.
Le seul usage encore autorisé est sous forme de médicament vétérinaire (Strynervène®) ou de préparation magistrale. La strychnine devrait donc être un toxique de moins en moins fréquemment rencontré, pourtant les analyses permettent toujours de la mettre en évidence lors d’intoxications malveillantes.
Espèces concernées
Toutes les espèces domestiques peuvent s’intoxiquer à la strychnine. C’est une intoxication rare chez la faune sauvage.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit la plupart du temps de la consommation d’appâts disposés par malveillance. Attention, la coloration bleue souvent décrite peut se retrouver dans le cas d’autres toxiques, de plus la strychnine est de plus en plus rare avec la disparition des stocks.
Il peut également y avoir des erreurs de dosage des gélules lors de préparation magistrale.
Toxicité
Les DL50 orales pour le sulfate de strychnine sont très faibles :
  • chez le chien : 0,75 mg/kg
  • chez le chat : 2 mg/kg
  • chez les équidés : 0,5 mg/kg
  • chez les bovins : 0,5 mg/kg
  • chez les volailles : 5 mg/kg
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent quelques minutes à 2 heures après ingestion :
Intoxication suraiguë :
  • mort subite lors d’ingestion de forte dose
Intoxication aiguë :
  • inquiétude et chute au sol
  • crises de convulsions toniques entrecoupées de périodes de repos de plus en plus courtes avec rigidité des membres, opisthotonos, trismus
  • hyperthermie due aux convulsions
  • hyperesthésie avec sursauts violents et crises convulsives lors de bruit ou de contact avec l’animal
  • vigilance conservée
  • pas de salivation, resserrement des sphincters
  • mort par asphyxie due à la tétanisation des muscles respiratoires
Lésions
  • rigidité cadavérique précoce inconstante
  • congestion généralisée
  • hémorragies pancréatiques fréquentes
Diagnostic
Il se base sur l’observation de convulsions toniques avec conscience conservée, hyperesthésie et sans salivation.
Le dosage de la strychnine peut se faire sur un échantillon de contenu gastrique ou d’urine.
Pronostic
Il est réservé tant que l’animal présente des signes neurologiques.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir en cas d’absorption récente et avant l’apparition de signes neurologiques :
    • vomitifs centraux classiques
    • vomitifs périphériques à proposer aux propriétaires : eau oxygénée
    • sinon lavage gastrique pour les animaux dans le coma
  • limiter l’absorption du toxique en administrant du charbon végétal activé chez l’animal vigile ou intubé. Les pansements gastriques argileux de type Smectivet® sont moins efficaces.
  • favoriser l’élimination : furosémide et fluidothérapie avec un soluté isotonique (NacL 0,9% ou Ringer Lactate®). La voie veineuse sera utilisée pour le traitement des signes neurologiques.
Traitement symptomatique :
  • calmer les convulsions :
    • diazépam (Valium®) 1-2 mg/kg IV ou IR pour les carnivores ; 0,1-0,2 mg/kg chez le cheval. Renouveler toutes les 2 à 3 heures.
    • si le diazépam est inefficace, passer au pentobarbital 30 mg/kg IV lente toutes les 6 à 8 heures en diminuant les posologies lors de ré-administration du fait du stockage tissulaire de la molécule
    • autres barbituriques utilisables : thiopental (Nesdonal®) à durée d’action brève, xylazine (Rompun®), médétomidine (Domitor®)
    • proscrire les neuroleptiques (acépromazine, chlorpromazine) et la kétamine (Imalgène®) qui peuvent abaisser le seuil épileptogène
  • placer l’animal au calme et à l’obscurité
  • analeptiques cardiorespiratoires pour combattre la dépression respiratoire due à l’utilisation des barbituriques : doxapram (Dopram V®)
Analyses
La recherche de la strychnine peut se faire sur des échantillons de contenu gastrique, de vomissures ou d’urine.
Bibliographie
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