Toxicologie des animaux de compagnie
Le chloralose
Présentation
Le chloralose (ou gluco-chloral ou α-chloralose) est un produit ancien autorisé contre les souris (comme Caussade®, rodonticide de deuxième génération), les taupes (il a remplacé l’ancienne Taupicine® à base de strychnine) et les oiseaux nuisibles. Il se présente généralement sous forme de poudre à mélanger à l’appât autorisé, mais aussi sous formes « prêtes à l’emploi » (grains de maïs, vers anti-taupes). C’est une substance qui provoque un endormissement plus ou moins profond avec hypothermie et risque de coma mortel avec convulsions.
Espèces concernées
L’espèce la plus fréquemment touchée par les intoxications au chloralose est l’espèce féline, mais les chiens et les animaux sauvages sont également des cibles de choix. Notons que les oiseaux sont plus sensibles au chloralose que les mammifères. C’est par ailleurs le toxique le plus fréquemment retrouvé dans les cas de mortalité subite chez le chat et les oiseaux.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit en général de l’ingestion accidentelle d’appâts de céréales titrant à 10 ou 15% ou de vers artificiels prêts à l’emploi pour la destruction des taupes ou des oiseaux. Les animaux peuvent également ingérer des appâts fabriqués par malveillance à partir de concentrés pour préparation d’appâts (à 75%) ou de poudres de piste rodonticides (à 99%).
Autrefois le toxique pouvait parfois être utilisé pour euthanasier les chats errants.
Toxicité
C’est un toxique hypnotique avec hyperréflectivité médullaire.
Les DL50 orales sont de :
  • 300 à 400 mg/kg chez le chat
  • 100 à 400 mg/kg chez le chien
  • 178 mg/kg chez le pigeon
  • 42 mg/kg chez le canard
  • 30 mg/kg pour les oiseaux sauvages
  • L’élimination est rénale après glucuronoconjugaison hépatique, ce qui pourrait expliquer que le chat soit plus sensible à ce toxique.
Métabolisme
L’α-chloralose est un composé hydrosoluble absorbé après dégradation partielle dans l’estomac. Les métabolites, l’aldéhyde chloralique et le trichloroéthanol, sont rapidement éliminés par voie urinaire.
Symptomatologie
Les premiers signes apparaissent en quelques minutes à quelques heures.
Ils varient selon l’espèce :
chez les oiseaux :
  • somnolence, prostration, ataxie, tête pendante, chute sur le sol, bradypnée, coma, noyade et ptyalisme
  • parfois hyperexcitabilité, tremblements
chez le chien :
  • signes neurologiques « en hypo » :
    • somnolence
    • abattement
    • prostration
    • ataxie, parésie postérieure
    • coma
  • signes cardio-respiratoires :
    • bradycardie
    • bradypnée
  • hypothermie (<33°C)
  • signes neurologiques « en hyper » peu fréquents :
    • hyperesthésie
    • trémulations musculaires
    • convulsions
chez le chat :
  • première phase :
    • ataxie
    • hyperesthésie grave à l’origine de crises convulsives
    • agressivité
    • hypothermie très marquée
  • deuxième phase :
    • coma qui dure quelques heures à quelques jours ; le chat semble mort.
  • troisième phase :
    • réveil sans séquelles avec tremblements et convulsions cloniques
  • mort brutale possible sans symptômes lors d’ingestion massive
Lésions
Elles sont non spécifiques, on peut toutefois noter une congestion généralisée.
Pronostic
Il est souvent bon chez le chien, surtout s’il est de grande taille et traité rapidement.
Il est à réserver chez les oiseaux, et d’autant plus chez les oiseaux sauvages.
Il est souvent sombre chez le chat, et est à réserver sur 3 ou 4 jours.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • vomitifs dans les 2 heures suivant l’ingestion et si l’état de l’animal le permet
  • administrer du charbon végétal activé
  • diurétiques, l’élimination étant rénale
Traitement symptomatique :
  • réchauffer l’animal et le placer au calme
  • fluidothérapie avec un soluté isotonique chauffé
  • analeptiques cardiorespiratoires : doxapram (Dopram V®)
  • calmer les convulsions : diazepam (Valium®) 0,5-2 mg/kg IV ou IR. A renouveler au besoin.
Analyses
La recherche du chloralose peut se faire sur le vomitat, le contenu gastrique, le plasma, les urines émises en phase clinique ou encore directement sur un appât suspect.
Bibliographie
Lorgue, G, Lechenet, J et Rivière, A. 1996. Clinical veterinary toxicology. Oxford : Blackwell Science, 1996. p.210.
Segev, G, Yas-Natan, E, Shlosberg, A et Aroch, I. 2006. Alpha-chloralose poisoning in dogs and cats: a retrospective study of 33 canine and 13 feline confirmed cases. Vet J. 2006, Vol. 172, 1, pp. 109-13.