Toxicologie des animaux de compagnie
Les benzodiazépines
Présentation
Les benzodiazépines sont une classe de médicaments aux propriétés hypnotiques, anxiolytiques, antiépileptiques, amnésiantes et myorelaxantes. Les benzodiazépines sont souvent utilisées pour soulager à court terme l'anxiété, l'insomnie sévère ou incapacitante. Chez l’homme, l'usage à long terme peut être problématique à cause de l'apparition d'une tolérance et d'une addiction (dépendance).
Ce sont cependant des molécules très largement utilisées en médecine humaine : diazépam (Valium®), bromazépam (Lexomil®), lorazépam (Temesta®), clonazépam (Rivotril®), clorazépate disodique (Tranxène®).
On rencontre moins de spécialités en médecine vétérinaire : le brotizolam (Médérantil®) est un orexigène pour bovins, le zolazépam est associé à la tilétamine dans le Zoletil® qui est un agent anesthésique.
En médecine vétérinaire, les benzodiazépines sont utilisées en tant que préanesthésiques, anticonvulsivants, anxiolytiques, hypnotiques et sédatifs.
Espèces concernées
Toutes les espèces d’animaux de compagnie (chien, chat, Nouveaux Animaux de Compagnie) sont susceptibles d’être intoxiquées par une benzodiazépine.
Circonstances de l'intoxication
Il s’agit le plus souvent d’une ingestion accidentelle et souvent massive des médicaments du propriétaire ; mais elle peut également résulter parfois de l’automédication par le propriétaire qui cherche à calmer son animal.
Toxicité
La marge de sécurité est importante au vu des posologies couramment employées :
DL50 chez le chien :
  • lorazépam : > 2 g/kg
  • témazépam : 3.62 g/kg
  • diazépam : > 800 mg/kg
DL50 chez le chat :
  • flurazépam : 250 mg/kg
Pharmacocinétique
Les récepteurs spécifiques se situent au niveau du système nerveux central.
L’absorption est variable selon la voie d’administration : elle est très rapide et très bonne par voie orale ou rectale, permettant une diffusion rapide dans le cerveau. Elle est très bonne par voie intraveineuse. La résorption est moyenne suite à une injection sous-cutanée, voie à éviter car l’injection est irritante et donc douloureuse. Enfin par voie intramusculaire, la résorption est lente et aléatoire du fait de la forte fixation aux protéines musculaires, en particulier pour le diazépam.
Les benzodiazépines sont des molécules très liposolubles et se liant fortement aux protéines plasmatiques.
Leur élimination est rapide avec une demi-vie du diazépam estimée à 3,2 heures chez le chien, 5,5 heures chez le chat et 32 heures chez l’homme.
La dégradation se fait dans le foie avec, dans certains cas, production de métabolites actifs à durée de vie plus longue que celle de la molécule initiale.
Noter que le passage à travers les barrières hémato-méningée et placentaire et dans le lait est possible.
Symptomatologie
Les premiers symptômes apparaissent entre 30 minutes et 2 heures après l’ingestion.
Il s’agit essentiellement de signes neurologiques :
« en hypo » chez les chiens (surtout de grandes races) et les chats :
  • sommeil
  • prostration
  • ataxie
  • coma
  • hypothermie
  • vomissements rares
« en hyper » chez les chiens (surtout de petites races) :
  • agitation
  • hyperactivité
  • excitation
  • tremblements
  • parfois convulsions
  • agressivité par levée des inhibitions
  • hyperthermie
mixte avec alternance de phases « en hyper » et « en hypo » chez la plupart des chiens.

La vigilance est en général conservée, le coma reste exceptionnel chez l’animal.
Lors d’ingestion massive, et chez les animaux débilités, il existe un risque de détresse respiratoire.
Pronostic
L’évolution est généralement favorable avec un traitement symptomatique du fait de la marge de sécurité importante. L’évolution doit être bonne en 24 à 48 heures.
Complications :
Les benzodiazépines ont un effet orexigène puissant ; de ce fait, l’animal peut être amené à ingérer toutes sortes de substances bien plus toxiques que la molécule originelle. Le propriétaire doit être averti de cet effet lorsqu’il récupère son animal.
Les benzodiazépines lèvent également les inhibitions, l’hospitalisation est donc préférable pour les chiens potentiellement agressifs.
Chez le chat, le diazépam (Valium®) peut être administré à faibles doses de façon répétée pour son effet orexigène. Il y a alors un risque de toxicité par administration répétée avec apparition de lésions hépatiques associées à de l’anorexie, de la léthargie, une déshydratation, de l’hypothermie et un ictère.
Traitement
Traitement éliminatoire :
  • faire vomir si l’ingestion est récente (30 minutes à 1 heure) et si l’animal est capable de le supporter
  • administrer du charbon végétal activé puis de la paraffine pour limiter l’absorption
  • la fluidothérapie est peu efficace du fait de la forte fixation aux protéines plasmatiques ; elle est donc à éviter sur un animal agité.
Traitement symptomatique :
  • laisser l’animal au calme, à l’obscurité dans une cage, surtout s’il est très agité, au moins pendant les 4 heures suivant l’ingestion. L’hospitalisation est souhaitable car l’animal est potentiellement agressif par levée des inhibitions.
  • diazépam (Valium®) 0,05 mg/kg IV ou IR si l’animal est agité
  • surveillance de la fonction cardio-vasculaire à cause du risque de dépression.
Traitement spécifique :
Ce traitement n’est à utiliser qu’en cas de coma aréactif, ce qui est exceptionnel chez l’animal. Il consiste en l’administration de flumazénil (Axenate®) à la posologie de 0,04 mg/kg IV, IM ou SC chez le chien et le chat. Cette molécule est réservée à l’usage hospitalier et est donc très difficile à obtenir. Sa demi-vie est très courte et il peut être nécessaire de renouveler l’administration.
Analyses
En laboratoire, la recherche des benzodiazépines peut se faire par chromatographie en phase gazeuse et spectrophotométrie de masse sur des échantillons de sérum ou de plasma. Les concentrations supérieures à 1 mg/L sont diagnostiques d’une intoxication. 
Bibliographie
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